2) La Renaissance et l’essor des échecs

Ce n’est qu’à la Renaissance que les Européens commencèrent à s’y intéresser de plus près. D’autres modifications furent apportées aux échecs, liées sans doute à l’apparition de nouvelles armes (canons à longue portée) et à la soif de conquêtes. En effet, le fou put alors parcourir l’échiquier de part et d’autre en un coup : la mode est au dynamisme et à la guerre-éclair. La femme de la Renaissance est en outre très influente : Jeanne d’Arc, Isabelle d’Espagne, Lucrèce Borgia, Catherine Sforza et bien d’autres s’illustrèrent par leur courage et leur combativité. C’est alors que la dame aux échecs acquit toute la puissance qu’on lui connaît aujourd’hui. A cette époque apparut également l’ancêtre du roque (mouvement spécial permettant de protéger rapidement le roi), à la suite de l’assassinat d’Henri IV…

Dès lors, les grands joueurs européens rationalisèrent le jeu. On s’intéressa à la théorie des échecs, et certains pensèrent par exemple à donner une valeur à chaque pièce, en fonction de son pouvoir sur l’échiquier.

Les pièces actuelles du jeu d’échecs traditionnel

Les pièces actuelles du jeu d’échecs traditionnel

La dame a bien sûr la plus grande puissance : on lui affecta la valeur symbolique de 9. La tour valait 5, le cavalier et le fou 3, et le pion 1. Le roi, lui, n’avait aucune valeur numérique, puisque sa perte était un tabou, synonyme de défaite.

On se sert encore aujourd’hui de ces valeurs théoriques pour déterminer lequel des deux joueurs a l’avantage. Néanmoins c'est commettre une erreur que de se fier uniquement à ce calcul pour comparer la situation des deux adversaires. En effet, il faudrait pour plus de rigueur prendre en compte la position du roi (est-il bien protégé ?), la position des pions (constituent-ils une structure solide et inébranlable ?), et ne pas oublier que les sacrifices de pièces, même importantes, peuvent mener à la victoire. Cependant ces valeurs relatives permettent souvent d’avoir une idée de la situation.

Ainsi, en début de partie, les deux joueurs ont chacun 8x1+2x3+2x3+2x5+1x9 = 39 points. Ils ont la même position et donc a priori d'égales chances de gagner. En réalité, on considère souvent que les Blancs ont plus de chances de vaincre, puisqu’ils ont le trait (ce sont eux qui jouent le premier coup).

La Révolution Française eut curieusement peu d’impact sur les principes du jeu. On pensa à remplacer le roi par un drapeau, la dame par l’officier général, mais tout cela n’avait plus de sens… L’idée fut aussitôt abandonnée. En revanche, on introduisit la notion de promotion. Philidor ne pensait pas si bien dire quand il avait affirmé que les pions étaient « l’âme des échecs »… Ces mêmes pions qui prirent le pouvoir en 1789.

De ce fait, le nombre 39 n’est pas le score maximum qu’un joueur puisse atteindre, compte tenu des promotions. Chaque pion peut devenir une dame en arrivant sur la huitième rangée, faisant ainsi gagner 8 points à son camp (la dame vaut 9 et le pion, qui disparaît, vaut 1). Etant donné qu’il y a 8 pions (et qu’il est donc possible d’avoir 18 dames en tout sur l’échiquier !), on peut obtenir 8x8=64 points supplémentaires. Autrement dit, un camp peut valoir, d’un point de vue strictement matériel, 103 points au maximum.